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Sauvegarde Voyage au Maroc

Texte M-Thérèse G.

Aquarelles de Gérard Blanc

 

MAROC

25 avril - 12 mai 2002

Voici le texte des "Carnets de Voyage" écrit par M-T Goetschel sur notre voyage au Maroc, texte que j'ai légèrement modifié pour n'y faire paraître aucune mention d'ordre privé.

< Voyage à l'occident de notre proche orient, notre orient méridional,
Voyage au pays des souvenirs de nos amis
Voyage au Maroc, proche et pourtant si étranger.

 

Tisser étant métier de femme, j'aimerais tisser mon récit comme un kilim berbère. Heureusement mes amis en avaient tissé la trame, solide, résistante à toutes les épreuves du mauvais oeil. Il ne me restera qu'à y entrecroiser les fils couleur du temps changeant de nos aventures, y broder en écru, en rouge coquelicot, jaune safran, bleu indigo ou bleu Majorelle, les motifs de la maison, de l'oued, de la montagne, du souk...

La trame, donc:... Casa, Rabat (Volubilis, Moulay Idriss, Meknès), Fès, Afourer (Cascade d'Ouzoud), Marrakech, "En montagne" (Arhbalou, l'Oukaïmeden, l'Ourika, Setti-Fatma, Arhbalou), Zagora (Telouet, la Vallée du Draa), Merzouga, Tinghir (Erfoud, les gorges du Todgha, la vallée du Dadès), Aït Benhaddou, Ouirgane (Col du Tizi'n Test, Asni-Imlil), Marrakech, Essaouira, Casablanca, Rabat.

.....C'était au mois de mai en l'année 2002. Quatorze siècles après l'invasion arabe en pays berbère, cinq siècles après la naissance de la dynastie alaouite, quarante ans après l'indépendance du pays. C'était au tems du commencement du règne de Mohamed VI...

L'hospitalité marocaine étant ce qu'elle a la réputation d'être, je commencerai à broder le motif de la maison...Le vert, le rouge, sombre de préférence, le bleu iront bien.
...Attardons-nous, pour le plaisir du souvenir, comme il y a un plaisir des yeux, sur ce Riad Al Bartal de Fès. Si inattendu  de cet extérieur qui ne laisse rien deviner. Si somptueusement beau et fassi à l'intérieur avec son patio verdoyant, ses galeries sur trois étages, ses murs tout décorés de stucs ouvragés, de portes peintes, de zelliges, ses salons à divans, ses lampes, sa décoration d'objets traditionnels de collection. Et le plaisir de feuilleter des livres d'aquarelles marocaines de Delacroix, de s'enchanter à mille détails du goût de nos hôtes qui ont restauré cette ancienne demeure de grand marchand. Nous verrons d'autres prestigieuses demeures fassi, souvent transformées en musées ou en restaurants-hôtels comme le musée Nejjarine des arts et métiers du bois, le musée Belgazhi, la Maison bleue, le Palais de Lyautey, l'ancien palais abandonné du Glaoui, le musée Batha des arts eet traditions, mais aucune ne nious paraîtra aussi belle que "notre" riad. Y dîner entre nous, servis dans ce décor raffiné, dans le calme d'un patio à la sonorité merveilleuse, écouter s'élever la musique du Stabat mater de Pergolèse ("...Ordre et beauté, luxe, calme et volupté".)

Je dirai un mot de l'Hôtel d'Afourer, pour son parc plein de fleurs (je me souviens des roses) et surtout sa piscine, délicieuse à sept heures du matin, déserte.

Je me souviens bien sûr de la Maison Mnabha à Marrakech, et surtout de ses hôtes ineffablement anglais, style Oscar Wilde. Un salon très sombre, rouge et vert (mais était-il si rouge et vert?) où nous attendait dans une odeur d'encens, une table dressée somptueusement le premier soir, jonchée de pétales de roses rouges.
Et tous ces détails: des pétales de roses rouges encore dans les fontaines de la terrasse-patio, les savons de toilette à l'huile d'olive, les rubans de satin noués autour des serviettes de toilette, les bouquets de roses épanouies dans les chambres. Il faisait très chaud dans la Maison Mnabba. L'orage menaçait assez pour que, de la terrasse, nous ne puissions pas voir l'Atlas dont nos amis nous assuraient qu'il était là, à l'horizon, tout enneigé...

En contraste et comme le motif isolé de la montagne au coeur du tapis de notre voyage, "le gîte d'itap" de la Haute vallée de l'Ourika, gagné à la force de nos mollets, mis à l'épreuve par les cailloux de l'Oukaïmeden et de l'oued...sans les puces annoncées mais avec nattes et tapis, certes rustiques, mais nattes et tapis tout de même. Petit salon-salle à manger à banquettes courant le long des murs, dortoir minimaliste. Pas d'électricité dans ces hautes montagnes. Pour se rappeler que ce qui fut notre petit inconfort d'un soir est le lot quotidien des villageois de la contrée et que l'authenticité, c'est la permanence d'un moyen âge sans doute aussi rude que pittoresque.

L'auberge retrouvée à Arhbalou le lendemain s'appelait: "le Maquis", souvenir de son premier propriétaire, ce Corse qui, ayant sans doute des choses à se reprocher au temps de la deuxième guerre mondiale, voulait se faire oublier en venant se perre dans ce coin reculé de l'Atlas marocain. Nous connûmes, ce soir-là, la décrassante touffeur du hammam.

Après la belle vallée du Draa, Zagora nous réservait les chambres un peu chaudes des quatre coins de la terrasse, en haut de la tour de la Kasbah Asnar. Il y avait aussi une piscine à l'écart d'un joli jardin fleuri tout entouré de tentes, mystérieusement éclairées dans l'obscurité de la nuit tombée, somptueusement équipées de divans colorés et de tables dressées. Je me souviens de l'inscription à l'entrée: "l'eau purifie le corps mais le désert purifie l'âme"...

Le Ksar Sania hébergeait le raid de l'amitié le soir où nous nous y sommes arrêtés. Pour nous aussi ce fut le teme apprécié d'une sorte d'étape mouvementée de rallye, avec hésitation sur la piste à suivre dans le reg de pierres calcinées...

A Tinghir le Ksar Tomboctou, austère, avec ses murs en terre ocre sombre, tel que de vieilles photos le montraient vers 1950. On a pu imaginer ce qu'a été ce Ksar seigneurial...

Aït Benhaddou...ou l'étape improbable après la journée de toutes les aventures! Je citerai pour le plaisir de la mémoire un orage apocalyptique dans un défilé noyé sous les cascades d'eau, le piège aussi imprévu que pittoresque d'un seigneur des tapis, une vingtaine d'oueds métamorphosés en torrents caillouteux sur les radiers à traverser, quatre heures de retard sur l'horaire... Mais je reviendrai sur ces aventurez...Et l'étape improbable du soir deviendra celle de l'émerveillement du petit matin, avec cette vue de "luxe" sur la Kasbah magnifiquement ensoleillée au delà de l'oued pendant que nous déjeunions.

L'auberge de la Bergerie à Ouirgane au pied du Tizi'n Test: "une adresse à retenir" avons-nous tous dit. Finalement, il y en aura beaucoup...Et pourtant, il faisait bien froid et nous n'avons guère profité de l'attrait des jolis petits jardins privatis devant nos chambres que derrière les vitres. Mais le feu dans la cheminée avant de s'endormir! le charme de chaque chambre! les bouquets de roses! le bon repas!

Je reprendrai volontiers l'air du dithyrambe pour célébrer la maison d'hôtes Dar Adul à Essaouira, trop tôt quittée. Souvenir de blanc et de bleu, de la proximité de la mer aperçue de la terrasse, du joli patio, de la cordialité de l'accueil, du petit déjeuner, de l'impression que c'était une maison pour nous seuls...

Ayant mis le dernier point au motif de la maison, je broderai maintenant, pour faire une transition, la bande bariolée de ce que j'appellerai le motif du scorpion, je veux dire les stratégies d'approche ou d'accroche voire d'attaque de nos amis marocains, les vendeurs, les quémandeurs et les rabatteurs.
  Car si le riad, le dar, le ksar, l'auberge sont maisons silencieuses, havres ou, pour mieux dire dans ce pays, oasis, discrètement et cordialement accueillants, à l'écart de la foule des souks et de la tentation de ses échoppes, les rues de la médina ou du village sont de fascinants et redoutables pièges où l'on se sent, malgré qu'on en ait, (c'est du moins mon impression) un touriste épié parce que lesté de dirhams, de stylos, de bonbons ou d'aspirine.
  Que sont dérisoires nos trucs pour dissimuler nos dirhams eu égard aux mille et une astuces qu'ont les Marocains pour nous les soutirer! Première technique, classique, attendue mais parfaitement efficace: l'invitation à entrer et regarder "pour le plaisir des yeux". Rare qu'on ne soit pas ressorti avec quelque boîte en racine de thuya, un bijou, une paire de babouches, une poterie ou qulque pierre fossile genre orthocère, goniatite, ammonite, agate, ou un miroir en mihrab, une djellabah...et j'en passe.
   Il faut dire que l'artisanat marocain, si typé, si riche, si divers ne peut qu'attiser l'appétit voire la gourmandise d'acheter et que "le plaisir des yeux" est réel...Classique et attendu aussi le coup du thé des marchands de tapis. Mais je l'ai connu plus systématique en Turquie, au Liban et en Syrie...Et puis, il y la drôlerie des slogans: "j'ai des bons prix", "moins cher que chez Leclerc", l'accroche trompeuse à laquelle on se laisse prendre la preière fois: "Tu ne me reconnais pas?" Il y a la flatterie subtile "Tu as des yeux berbères. Regarde avec un cheich et des bijoux".
  Et puis, il y a les rabatteurs professionnels, plus ou moins discrets ou importuns avec mention spéciales pour les guides patentés qui vous conduisent comme si de rien n'était vers le tisseur-marchand de couvertures, l'herboristerie avec cours pour tout savoir sur la nigelle, le musc, l'ambre jaune, le santal, la crème de rose, le ras-el-hanout, le rhassoul, le safran etc... et pour  tout vous vendre. Mais la palme revient à l'évidence à notre étonnant Berbère, ce seigneurs des Kilims de Todgha puisque grâce à lui seul nous avons eu en feu d'artifice le coup du rabatteur, du thé, du cours sur les symboles des tapis, de la démonstration du tissage par une gazelle filant et tissant, du discours irrésistible " Mieux vaut chercher l'eau à la source qu'à la rivière"... En revanche, je n'ai pas le coeur à m'attarder sur les demandes implorantes des enfants, quelquefois agressives, sur ce petit muet et ses voitures tressées en fibres de palmier ou de roseau vers Tinghir à l'entrée des gorges du Todgha.

  Passons maintenant à la rosace centrale des moments forts du voyage, des émotions intenses: il y eut d'abord l'anéantissement gastronomique de Rabat qui nous cueillit à froid avec cette pastilla aussi délectable que gargantuesque suivie de ce méchoui appétissant mais désespérant sans oublier ces multiples accompagnements de petites choses délicieuses avant la mousse aux fraises puis ce grand plateau de pâtisseries au miel avec bien sûr les cornes de gazelle, si tententes, mais quasi impossibles...
  La recherche de notre logis à Marrakech, dans ces petites rues de la médina, perdus que nous étions dans nos pauvres voitures prisonnières d'une foule marchante, roulante ou pédalante, a valu à quelques uns d'entre nous un petit commencement de quelque chose avoisinant un début de panique...

  Mais cela ne fut rien, à côté de ce qui devait nous attendre plus tard. Dans l'ordre non de la chronologie mais des émotions, je citerai: le reg sans piste bien tracée et l'ensablement près de la dune de Merzouga, la route défoncée de la vallée d'Asni Imlil avec passage dans le torrent et attente devant le rabotage de la falaise, la crevaison à cinquante kilomètres de l'aéroport avant de prendre l'avion, l'atterissage à écarts et rebonds plus qu'inquiétants d'Orly et...apothéose qui mérite les trompettes rouges et noires (les couleurs et les sons se répondent nous a appris le poète) du chant héroïque: la grandiose épopée des gorges et des oueds.
  Il était quelque neuf, dix heures du matin. La veille, comme un signe précurseur, le soleil n'avait pas été au rendez-vous de l'aube, en haut de la dune de Merzouga, voilé qu'il était par les nuages. Les mêmes nuages étaient bien là, plus bas, plus gris, puis plus noirs, tandis que nous montions allègrement, suivant la belle route en corniche au-dessus de la palmeraie. La télévision avait, paraît-il, lancé un avis d'alerte sur le Haut Atlas. Mais la télévision en arabe et nous!..
  Et puis il ne pleuvait plus depuis quatre ans, nous disait-on partout.  Nous avions tout de même enfilé les anoraks en laissant les voitures à l'entrée du défilé, impressionnant entre ses très hautes murailles en falaises. Deux alpinistes en descendaient assez rapidement, aux dires de ceux qui les avaient repérés. Inch'Allah! Nous allions, gaillardement, franchissant le gué paisible, nous enfonçant toujours plus avant au mépris des gouttes qui commençaient à tomber.
  Et ce fut l'orage. Jupitérien! Les parois répercutant les roulements du tonnerre, la pluie tombant à verse, et nous, perdus au milieu des éléments déchaînés. Remercions tout de même la main de Fatma ou d'Allah pour l'abri de cette grotte providentielle souos l'aplomb de la falaise, malgré les histoires de je ne sais plus qui, racontant que la foudre pouvait suivre les parois des rochers. Mais avec la pluie tombant sans discontinuer, le froid, le temps qui passe, l'inquiétude gagne. Les plaisanteries s'estompent et nous nous demandons comment sortir de là d'autant que l'eau rigole de partout et coule apparemment sur ce qui était chemin de cailloux en face de nous.
  Arrive alors un camion de chantier, venu d'on ne sait où, de la-haut, d'un chantier dans la montagne sans doute...Son conducteur court vers nous, nous presse, en arabe et par signes, de monter dans la benne. Et dire que nous nous tâtons, nous demandant s'il n'a ps quelque idée derrière la tête! Mais avec son assistant, il nous tire et nous pousse et finalement nous hisse tous les neuf dans la benne, puis, sans demander son reste, fonce.
  Et nous comprenons pourquoi! Ceux d'entre nous qui ne sont pas sous la bâcheet peuvent lever la tête tout en s'accrochant qui aux parois du camion, qui au voisin de devant, qui à une brouette, découvrent médusés le spectacle le plus grandiose qui se puisse concevoir: du haut de la falaise, l'eau tombe en catarctes boueuses, sublimes et effrayantes cascades (qu'aucun guide mentionne à cet endroit...) Et par terre, le chemin que nous avons emprunté à sec quelques heures auparavant est devenu torrent. Je me demande encore ce que nous serions devenus dans ce déluge sans notre providentiel Noé...
  Et souvenons-nous longtemps que notre bon Saint Martin n'a jamais voulu accepter aucun dirham de reconnaissance lorsqu'il nous a laissés à nos voitures hors d'eau. Hors d'eau...C'était sans compter sur les oueds à traverser, en amont, au passage des radiers "inondables". Nous n'avions jusque là guère prêté attention aux multiples pancartes qui les indiquaient. Il y en eut plus de vingt, et trois fois au moins, si nous passerions dans ces torrents qui charriaient eau et pierres, avec nos voitures qui n'étaient ni des "quatre quatre" ni des camions haut sur roues. Mais ouf! Nous sommes tout de même encore là pour le raconter...

  Pour faire contraste, il y aurait à broder autour des moments drôles: les lunettes perdues et retrouvées grâce aux indices de mémoire des uns et des autres (l'un se souvenant du haut de la côte, l'autre que c'était avant le vallon en contrebas et avant la pancarte, la troisième, qu'il y avait un cadavre de Coca Cola près du fossé...)
  L'arrivée au début de l'averse dans notre grotte-abri des gorges du Todgha d'un camion et sortant de dessous une grande bâche bleue, l'apparition inattendue d'un, pui deux, puis trois, quatre, cinq, six...dix hommes. Puis sans mot dire, leur tranquille installation au fond de la grotte autour d'un feu de fortune que nous aurions été bien incapables d'allumer.
  Et auparavant dans cette même grotte, une autre apparition: celle du gardien des sacs de ciment, se levant de dessous ses couvertures tel un Lazare, au moment même où ces dames , croyant trouver un coin à l'abri des regards pour soulager leur vessie se succédaient derrière ledit tas de sacs de ciment sur lequel il dormait du sommeil du juste. S'il rêvait du paradis des houris, il n'a pas dû être déçu!
  Il y eut aussi, anecdotique et éphémère, la vision de ce jeune touriste ridicule, blanc et rose de peau, affublé d'une djellabah trop courte, faisant, fiérot et maladroit, un tour de chameau (et quand je dis un tour, c'est au sens propre) sur un terre-plein de la route qui conduisait aux gorges, juste avant l'orage....
 
  L'arrivée répétitive des pastillas au repas du soir (plus de cinq fois je crois) après l'aventure de Rabat, nous a bien fait rire...

  Moins drôles, mais essentiels à la bonne humeur de nos mi-journées, les arrêts tagines-brochettes. Premier au palmarès; Khemisset, avec ses carottes, ses pommes de terre, ses oignons et ses petits pois fondants d'avoir été bien cuits à l'étouffée dans le jus moelleux et safrané de la viande. Peut-être avait-il pour lui d'être effectivement notre premier vrai tagine rustique! Car j'ai encore dans la bouche la saveur de l'omelette aux tomates cuites sur le kanoun dans ce petit restaurant de plein air au pied des cascades d'Ouzoud, d'autant plus délectable qu'elle fut longtemps attendue...Il est vrai, dans un cadre sublime!
En bonne place, pour le plaisir de raffraîchir la mémoire de nos haltes, ceux d'Immouzer (avec cette gtrand-mère édentée recueillant dans un méchant sac en plastique, le pain, le sucre et le frites laissés sur les tables) de Telouet, de Djorf, de Taliouine...J'ajoute pour être complète, qu'aucun n'était au mouton, à notre grande surprise: à cause de l'Aïd nous dit-on.

  Revenons aux couleurs sans lesquelles mon tapis ne serait pas un tapis. Il me faut les préciser, les aviver et les illustrer. Le Maroc appelle tout naturellement le rouge et le vert, comme la porte de la maison de Houssein à Setti Fatma. Et du rouge et du vert, nous en eûmes de somptueux dans la campagne: ô le rouge éclatant des champs de coquelicots et le vert profond du blé ou de l'orge encore en herbe au pied d'un Ksar dans le Moyen Atlas! Le rouge me fait aussi penser aux cuves des teinturiers de Fez, aux tapis tendus dans les souks ou par terre dans les maisons. Le vert convoque à ma mémoireles tuiles vernissées des toits des mosquées ou des medersas vus d'en haut, les cultures en terrasses du Haut Ourika, les coulées des palmeraies de la vallée du Draa ou du Todgha, puis, plus vertes encore d'être enchâssées dans l'ocre rose ou violet des montagnes plus pierreuses que végétales. Mais pour moi, la couleur dominante du Maroc aura été l'ocre: l'ocre du désert, celui de la dune de Merzouga presque orange, mais si doucement bleutée à six heures du matin, l'ocre des montagnes du moyen et du haut Atlas, plus gris, toutes les nuances d'ocre des habitaions de terre sèche et de pierres: kasbahs, ksours, maisons en terrasses, quasi confondues avec la montagne, l'ocre rouge des remparts, plus clair des vieilles mosquées comme la Koutoubia, pâlement copiée par la très neuve et très gigantesque mosquée presque blanchede Rabat. Sur ce fond, se détachent ici et là comme autant d'échos, les taches bleu vif du Jardin Majorelle de Marrakech, des etoffes indigo mises à sécher dans une rue du souk, de notre riad d'Essaouira et des barques alignées comme sardines en boîtes dans le port.
  Me reviennent aussi, délicatement raffinés, le violet pâle de jacarandas de Marrakech, le rose saumoné de la roseraie fleurie à profusion.
  Mais en en restant à ces souvenirs surnageants, j'aurai le regret de n'avoir rien dit de tous les détails, infimes ou récurrents, que j'avais notés au jour le jour dans mon petit calepin: le velours vert de la djellabah de Zore, le rose des volubilis, les milliers de rosaces de fils multicolores dans une mercerie du souk, le vert des poteries du musée de Batha, le vert suisse des sapins d'Ifrane, le vert pâle sur fond de terre rouge violet sombre des bouquets de chênes lièges et des eucalyptus, puis des oliviers et des genévriers dans le moyen Atlas, le vert gris d'étranges plantes grasses qui ressemblent à de gros madrépores vers le barrage de Bin el Ouidane, les taches diversement colorées des cistes, des iris, des petits glaïeuls, le jaune orangé des traînées de soucis au bord des champs, le rouge des pommettes étrangement rondes des enfants de l'Ourika, le vert cru des caoutchoucs et des bottes des paysans et paysannes de la haute vallée, le marron des burnous de quelques motocyclistes encapuchonnés sur la route du Tiz in Tichka, le rose incongru des minarets tout neufs, le noir des pierres calcinées du reg, les grands châles noirs des femmes, bordés de sequins dorés dans les villages de la vallée du Draa, le blanc de la barrière neigeuse du Toubkal sur fond de ciel bleu, le noir et le blanc des chèvres dans les arganiers, le rouge violacé des filets de pêche d'Essaouira...mais on ne peut pas tout dire ni tout voir...

  Et les bruits? Peut-on n'en rien dire? La musique arabe de notre plantureux repas aux chandelles de Marrakech nous ayant un peu étourdi l'oreille, je lui préfererai pour ma part le silence de l'Ourika, joliment troué par les chants du muletier ou les appels de rocher à rocher d'enfants sentinelles dévalant du col.
A vous de resonoriser la médina avec ses "balek" des âniers dans les souks ou le bruit des voitures dans la ville moderne...

  Et les odeurs? La branche de menthe permettait de supporter celle des teinturiers, la plus forte que nous ayons eue à subir. Nous en humâmes de toutes les sortes et de plus agréables dans nos deux herboristeries...Mais les mots me manquent ou la paresse me gagne pour les dire avec justesse.

  En me relisant, j'observe que si j'ai essayé de faire voir, à défaut de faire entendre ou sentir, j'ai encore peu parlé des gens. J'y viens. D'abord pour réévoquer quelques personnages pittoresques: notre jeune cabaretier de Khemisset, s'escrimant à faire une addition en francs cfa, confondant les chiffres des unités et des dizaines, complètement perdu le pauvre mais ne voulant pas perdre la face. Le gardien du palais abandonné du Glaoui à Fez, très digne dans sa djellabah d'un blanc immaculé et son turban flottant orange, grande silhouette émaciée au regard et au verbe d'illuminé, sorte de fou de Dieu, du Glaoui d'autrefois et de Hassan II; il doit continuer à hanter, solitaire, le grand palais déserté, impuissant devant son délabrement. J'ai déjà évoqué le "Seigneur des Tapis" de la vallée du Todgha, impérial et madré dans la cérémonie du thé à la menthe. Le vieux guide enfin de Asni Imlil, maugréant contre la paresse des jeunes d'aujourd'hui, leur goût pour la télévision et la ville, leur folie de construction et de dépense. "Les gazelles ne veulent plus s'occuper des champs ni des bêtes...Ils vendent la chèvre pour acheter la télévision...Ils veulent tout, tout de suite..."
  Enfin, je m'en voudrais d'escamoter nos rencontres marocaines: celle fugitive, de notre sauveur désintéressé du Todgha (je serais incapable de dire quelque chose de son visage, à peine entrevu), celle de Houssein, notre guide bienveillant de l'OUkaïmeden et de l'Ourika, avec sa dent un peu fendue, son bon sourire et son cheich qui fut bleu lui battant la nuque. Je le revois à la fois sur les sentiers de la montagne et dans sa maison de Setti Fatma, avec sa jeune femme timide et ses deux beaux enfants. J'en ferais volontiers ka figure embélmatique de ce que le Maroc a de plus sympathique: enraciné dans sa montagne berbère, l'aimant manifestement, fier de la maison qu'i construit petit à petit et des arbres de son jardin, ouvert, franc et sans servilité dans son rapport à l'étranger, avec des idées bien à lui sur la vie, la religion, sur les femmes (il est allé cherché la sienne dans la vallée voisine pour la couper de sa famille et mieux se l'attacher) et le respect à leur accorder (ils n'auront que deux enfants...Il veut l'aider à la maison).

Ma tapisserie est terminée. Je la tends au mur de vos redoutables regards. Mais en tapant mon dernier point, je vous ai imaginés assez déçus et frustrés....Elle a brodé, elle abrodé mais autour de l'essentiel, de ce pour quoi nous étions venus au Maroc! Vous n'avez pas tort...Alors il me reste à accrocher quelques vues subjectives en gros plan. Pour les explicaions et commentaires, je vous renvoie aux guides touristiques et, pour les compléments et annexes indispensables aux vraies photographies des uns et des autres. Voici donc dans l'ordre:

- La Mosquée de Hassan II. " La plus grande après celle de la Mecque". Bluffante en effet mais trop neuve, froide et vide de vrais fidèles. Le gigantisme de ses proportions, la hardiesse du site: ce trône de la mer, la pâleur de la pierre, le travail appliqué de la décoration: zelliges colorés, stucs ouvragés, géométrie parfaite des arabesques et des motifs à polygones encastrés, des réseaux losangés, élégance des lustres de Murano, les portes monumentales, les plafonds sculptés en cèdre, les sols en marbre d'une impeccable brillance, la grande tribune des femmes et ses moucharabiehs, tout en impose. Mais comme le témoignage d'un respect des traditions artisanales et des formes anciennes. Mais comme l'affirmation orgueilleuse d'une volonté politique plus que d'une foi. Intéressant que ce soit la seule mosquée visitable: on la dirait en effet plus destinée aux touristes qu'aux musulmans...D'ailleurs, je crois avoir entendu que les salles des ablutions avec leurs innombrables et somptueuses vasques de marbre n'avaient jamais servi!

-Rabat. Le joli jardin andalou au pied de la Kasbah des Oudaïa avec son café maure en terrasse, au-dessus de l'oued, avec sa vue sur Salé...
Le mausolée Mohammed V, folkloriquement gardé par des gardes royaux en costume rouge et burnous blanc. Et surtout l'antique tour Hassan et les ruines de l'ancienne mosquée almohade, immense champ de colonnes ocrées par le soleil couchant, à faire rêver Buren (il y aurait ajouté des rayures peut-être...)

Le Chellah avec sa porte monumentale, ses jardins aux arbres colonisés par les cigognes et les pique boeufs, ses ruines romaines, sa nécropole musulmane, ses parteres d'acanthes en fleurs, tout en contrebas.

-Volubilis. Dominant le superbe panorama d'une plaine cultivée qui fut sans doute autrefoisle riche arrière pays de cette vaste ville romaine. Le site de ruines, avec plusieurs portiques de colonnes encore en place, l'ordonnancement bien déchiffrable (surtout quand un guide vous aide) des temples et des riches villas, de part et d'autre de la croisée du decumanus et du cardo, les belles mosaïques étonnamment bien conservées in situ, tout renvoie à notre vieille culture latine, qu'il est curieux de retrouver, isolée à l'ouest de ces terres berbéro musulmanes...Mais que s'est-il passé là, entre l'effondrement de l' Empire romain vers le IVème siècle et la conquête arabe du VIIIème siècle?

-Fez, abordée de nuit par ses remparts, découverte le lendemain en détail, revue en une vision panoramique depuis les tombeaux Mérinides, avec tout l'étagement des maisons en terrasse de la vieille médina et, montant à l'assaut des collines, les quartiers neufs de la ville qui s'étend. Il faudrait multiplier les instantanés à l'ntérieur de la médina: la Maison Bleue de trois étages, où fut signée l'indépendance, devenue restaurant aujourd'hui, le Lycée Moulay Idriss, le Palais Lyautey et sa terrasse, les innombrables échoppes des menuisiers, des marchands de babouches, de tissus, de fils muticolores, de tapis, de tamis, d'épices, de poteries, de bijoux, les ateliers de dinandiers, d'aiguiseurs, le dernier artisan de la corne, le dernier damasquineur, le souk des tanneurs et ses cuves rouges vues d'en haut, de la terrasse d'un marchand de couvertures, l'antre d'un antiquaire, la medersa Attarine, une fontaine de zelliges bleues, le musée Nejjarine(des arts et métiers du bois), le musée Belghazi avec ses vitrines de bijoux et de caftans anciens, son jardn d'orangers, le palais du Glaoui, le musée Batha (des arts et traditions entre autres ses belles collections de poteries) mais on n'épuiserait pas le quart du dixième du sujet.

-Les paysages du moyen Atlas avec la belle route en lacets qui nous fait monter d'Afourer (avec vue sur la plaine d'orangers qui se déploie à perte de vue vers Beni Mellal) vers le barrage de Bin el Ouidane puis decendre doucement à travers un paysage de champs épierrés où s'harmonisent toutes les nuances de vert que font chanter ici et là des prés entiers de coquelicots (on les cultive pour la teinture). Nos premiers ksour apparaîssent. Puis ce sont des croupes plus hostiles de collines rocheuses dominant au loin un bassin verdoyant, très cultivé, avec des amandiers et des oliviers. Plus tard, au delà de la cascade d'Ouzoud, en suivant la route des gorges de l'oued, se succéderont des cônes ravinés d'argile rouge, comme de gigantesques terrils sur lesquels s'accrochent de gros coussins de plantes grasses qui ressemblent à des madrépores parallélipédiques serrés et rubanés (des frédolia?), puis d'énormes cactus. La route en corniche nous découvrira d'époustouflantes vues panoramiques avant d'arriver à la route de Marrakech en zone plus plate où nous découvrirons tout de même nos premiers chameaux à défaut de la palmeraie attendue (il paraît qu'elle a été décimée).

-La cascade d'Ouzoud. Grandiose "échevèlement" d'eau (le mot n'existe pas mais j'ai envie de l'invente pour la ciconstance) d'une centaine de mètres dans l'abrupt des parois de terre ou de calcaires rouges trouées de grottes, tapissées ici et là de touffes de végétation.

-Marrakech. Inutile de développer ce dont vous vous souvenez tous: le minaret à l'ocre clair délicatement rosé de la Koutoubia et ses quatre boules d'or, la somptueuse roseraie, le palais de la Bahia et ses décorations à motifs floraux, le souk, la place Jemaa el Fna, le jardin Majorelle et son musée et pour quelques uns la quasi inaccessible Mamounia.

-L'Oukaïmeden. La montée dans le brouillard me dispense d'évoquer des paysages qui devaient être pourtant for beaux. reste la vision de notre ascension depuis la station de ski jusqu'au col, dans un paysage de pierrailles grises avec en bas, s'étirant, les bergeries, tout aussi grises que la montagne et à l'horizon, bien dégagés sur fond de ciel bleu, les sommets enneigés du Haut Atlas.

-La Haute Vallée de l'Ourika. Pour moi, la reine de notre voyage, plus belle encore de ne se laisser découvrir qu'à la force des mollets. Pas de voitures, pas d'asphalte, pas d'électricité, pas de paraboles, pas de cheminées non plus dans les villages traversés, seulement quelques mules pour les indispensables échanges.
  Vue du col, une coulée verte de cultures en terrasses qui suivent le tracé de l'oued et indiquent des villages étagés sur les pentes à mi hauteur, dont la couleur terre de Sienne se confond avec celle de la montagne, avec leurs toits plats de terre sèche.
  Vue de près, au fur et à mesure de la descente vers les premiers villages, c'est beaucoup de cailloux sur des chemins dont on ne sait pas si c'est un lit d'oued ou un sentier, des rigoles d'irrigation, de petits carrés de blé ou d'orge en herbe, de gros thuyas ou des noyers centenaires de plus en plus feuillus à mesure que l'on descend, de petits enclos de pierres jusque dans le lit de la rivière, de planches de pommes de terre, d'oignons, quelques haies de cactus à l'entrée d'un village.

  C'est aussi quelques instantanés émouvants de vie, cueillis ici et là en traversant ces villages aux maisons apparemment assez fermées sur elles-mêmes: un petit garçon avec un cheverau dans les bras; des groupes d'enfants aux joues toutes rondes, rouge vermillon, pas bien débarbouillées, avec leurs pulls en haillons; l'éclair du regard noir d'une jeune femme poussant sa vache dans l'entrebâillement d'une porte; des paysannes avec les amples jupes de laine tricotée ou crochetées, aux teintes très vives, qu'elles portent sur un pantalon, avec leurs bottes en caoutchouc vert vif et leur foulard coloré noué sur la tête, plus protecteur du froid et du soleil qu'islamique; un pot de géranium faisant éclater son rouge vif devant une petite fenêtre à la grille ouvragée; le grès rouge des murs de pierres; deux femmes remontant de la rivière ployant sous d'énormes fagots de bois, d'alfa ou de roseaux secs; d'autres faisant leur lessive dans la rivière; des enfants qui portent leur petit frère ou leur petite soeur sur la hanche, une petite école (pas coranique) pleine d'écoliers; un cimetière reconnaissable aux fleurs sauvages jaunes qui y poussent en liberté et aux éclats de pierre fichés en terre (qui marquent l'emplacement des tombes?)

-La Kasbah de Telouet. Après de très beaux paysages de montagnes rouge violine, (cf le col du Tichka), une route en lacets surplombant des oueds ou des mers d'oliviers. Après ou plutôt au coeur de ces vues sublimes où l'oeil se perd à l'infini au delà des villages à toits plats et des plateaux de tere ocre, vers l'horizon de l'Atlas enneigé, il est difficile d'éviter quelques considérations sur la pérennité de la nature et l'éphémère vanité des grandeurs humaines, car si ce palais délabré, l'une des multiples demeures princières du Glaoui, ce dernier Seigneur de l'Atlas, superbement luxueux si l'on en juge d'après ce qui reste des stucs et des zelliges de la salle de réception et du harem, n'est plus que ruines...A moins qu'il ne symbolise la victoire d'un roi sur un grand féodal du Sud. reste qu'il est difficile d'imaginer aujourd'hui ce que fut autrefois le grand passage des caravanes de Ouarzazate à Marrakech...

-La vallée du Draa. Après la traversée d'autres sublimes paysages de montagnes, de sortes de mésa ravinées assez dertiques, j'ai aimé cette longue oasis de palmeraies avec ses ksour de hautes maisons en pisé, malheureusement souvent abandonnées, avec l'impression que très vite, au-delà, c'est le désert, ce reg de pierres noires calcinées. Je me souviens d'un coucher de soleil très étrange laissant dans le ciel comme un immense entonnoir de nuage roussi, très post ou pré apocalyptique...

-La dune de Merzouga. Autre paysage de désert mais cette fois celui du sable de l'imaginaire saharien, avec ses ondulations de vagues sans végétation aucune, ses dunes en relief, ses tons de rose bleuté d'avant l'aurore puis d'ocre puis d'orange...Ne manquait que la chaleur annoncée du soleil et le bleu du ciel, qui, ce jour-là, est resté obstinément voilé...

- Les gorges du Todgha. Je les rappelle à leur place mais je vous renvoie aux moments d'émotion pour ne pas avoir à me répéter.

-Aït Benhaddou et la route des cols. C'est de lumière qu'il faut parler ici, de cette belle lumière de lendemain d'orage, avivant les couleurs et les ombres, détachant l'architecture ocre des tours crénelées du ksar pittoresquement construit en acropole au-delà de l'oued.

  Et c'est la même lumière qui, plus tard, ensoleillera la barrière neigeuse d'un Atlas tout en moutonnements violets, en plissements stratifiés à l'infini de l'horizon avant de nous abandonner de l'autre côté du Tizi'n Test. Je me souviens aussi de pentes fleuries de soucis et de volubilis vers Taliouine, d'arganiers avec de petites chèvres noires en montant au col puis des thuyas de l'autre côté, des vues plongeantes, impressionnantes et des tournants en épingle à cheveux, quasi à la verticale du paysage assez désert, n'étaient quelques douars accrochés dans la montagne.

- La mosquée de Tinmal. Elle daterait du XIIème siècle. Parfaitement pure de proportions et de style almohade).
Le bonheur d'être là, seuls, dans un lieu fait par et pour l'esprit!

-La Montée à Imlil. J'en retiens trois choses: l'oued encore ravagé par les inondations de 95, le village qui se construit à tout va avec l'électrification en place depuis deux ans et l'invasion des paraboles de télévision (jusqu'à quand sera préservée notre belle haute vallée de l'Ourika, si proche à vol d'oiseau??? me voilà prise en flagrant délit d'archaïsme égoïstement conservateur!) et la vision impériale du Toubkal enneigé (4167 mètres, j'ai vérifié!)

-Essaouira.  (L'ancienne Mogador) le port...Je renvoie aux photos: elles disent mieux que je ne saurais le faire les barques bleues, les filets violets, les drapeaux multicolores des casiers des bateaux depêche. J'y ajouterai l'odeur forte de l'iode et de quelque chose qui m'évoquait la sardine un peu avancée...Je passe sur l'alignement des échoppes à poissons de sinistre mémoire...avec leurs aboyeurs accrochant coûte que coûte le touriste.

Je retiens plutôt cette jolie vue sur la ville blanche, apparition magique à travers la porte qui ouvre sur le port. Et puis celle des canons alignés sur la promenade des remparts avec ces échappées sur la mer. Celle enfin des rues plus larges que dans les médinas de Fez et de Marrakech, à ciel ouvert, très propres, bordées de magasins (tiens, tiens, le mot est d'origine arabe...) tous plus aguichants les uns que les autres (marqueterie, joaillerie, travail du bois). On a l'impression d'une petite ville du dix septième ou du dix huitième siècle français, peuplée d'Arabes...

Ouf, nous sommes arrivés sur la route de Casa.

Je n'aurai pas tout dit et pas tout bien dit. Manque par exemple le souk sur la route de Casa, manquent beaucoup des paysages devant lesquels nous nous sommes extasiés, manquent mille et un détails.
Mes souvenirs ne sont sans doute pas les vôtres. Mais j'ai fait de mon mieux pour garder mémoire de ce qui fut un de nos plus beaux voyages...

 

Appendice

" Tout l'Univers se retrouve dans la théière. Plus exactement la sinia (plateau circulaire) figure la terre, la théière le ciel, les verres la pluie; le ciel par la pluie s'unit à la terre."

Poème tiré de la Tessaout

 

Dieu n'a pas fait de place...

"...Ma soeur, étrangère au pays, ne t'étonne pas,
Ne t'étonne pas de mon ignorance:
Mes yeux n'ont jamais vu ni rose ni orange...
On dit qu'il y en a, en bas, au bon pays
Où gens, bêtes et plantes n'ont jamais froid.

Ma soeur étrangère venue de la plaine
Ne ris pas d'une fille de la montagne
Vêtue de laine grossière et allant pieds-nus.
Dieu n'a pas fait de place à la rose
Dieu n'a pas fait de place à l'orange
Dans nos champs et nos pâturages...

Jamais je n'ai quitté mon village et ses noyers
Je ne connais que l'arbouse et les rouges cenelles
Et l'humble touffe de basilic vert
Qui éloigne de moi les moustiques
Lorsque je m'endors sur la terrasse
Quand sont trop chaudes les nuits d'été..."

An Clock

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