Créer un site internet

Le 4ème Mur

03-17-2011-11-51-33-819_modifie-1.jpg

Janine Xuereb

Un coup de poing et un coup de coeur pour ce "4ème Mur" de Sorj Chalandon,journaliste et  grand reporter de Guerre au journal Libération de 1973 à 2007. Depuis 2009, journaliste au Canard Enchaîné.
Avec ce livre, il voulait se débarrasser de la violence et de la barbarie ressenties à la découverte des guerres notamment en Irlande et au Liban. 
Dans ce roman, c'est du Liban qu'il est question. En voici un court résumé.

Samuel, juif, étudiant grec, et, aux dires de l'auteur lors d'une conférence à laquelle j'ai pu assister, sa propre conscience, a fui la dictature des colonels,
et Georges,gauchiste, anarchiste, français, se découvrent des valeurs communes: résistance, dignité... Ils défilent côte à côte à Jussieu (Paris) en 1974 pour les mêmes causes.
Ils partagent également la passion pour le théâtre et la mise en scène théâtrale.

Samuel  a l'idée folle de monter Antigone de Jean Anouilh, dans un lieu de guerre. Il choisit le Liban pour voler 2 heures de paix à ce pays. Il faut faire remarquer que Anouilh avait déjà fait jouer Antigone à Paris en 1942, en pleine tourmente de la guerre contre les Nazis.

Samuel, qui avait été gazé, malade, se trouve dans l'impossibilité de réaliser son projet, il le confie alors à Georges.
Samuel, qui avait effectué plusieurs voyages à Beyrouth, avait recruté les futurs acteurs de la pièce, il ne manquait plus à Georges que de se rendre à Beyrouth pour en assurer la mise en scène. Depuis son lit d'hôpital, Samuel va le suivre...

Pour Georges, marié à Aurore et père d'une petite Louise, le départ à Beyrouth est très difficile. La deuxième partie du roman narre de magnifiques rencontres avec des personnages choisis dans la mosaïque multiculturelle du Liban: musulmans chiites, musulmans sunnites,  juifs, chrétiens orthodoxes, maronites, arméniens, catholiques, druzes...Ils sont tous empreints de bonté et de générosité et veulent participer à ce rêve de paix. On peut citer:

MARWAN, le chauffeur druze, qui ne le quittera jamais.
IMANE, institutrice palestinienne dans le camp de Sabra et Chatila, préposée au rôle d'Antigone
NAKAD, fils de Marwan, druze, jouera le rôle de Hémon, fiancé d'Antigone.
CHARBEL, chrétien maronite, incarnera Créon.
ISMÈNE, soeur d'Antigone, sera jouée par une catholique arménienne
Les gardes de Créon, seront des musulmans chiites ou sunnites.

Avec ces acteurs, Georges va essayer de réaliser son rêve de paix. Les répétitions commencent mais la guerre va les rattraper.
Le 4 Juin 1982, Israël envahit le Liban. Georges est blessé et perd pratiquement la vue. Il reste quelque temps à Beyrouth, aidé par Marwan et ses fidèles, puis rentre en France où le décalage entre guerre et paix lui devient insupportable.
Une force le pousse à repartir, peut-être un attrait pour la guerre, pour la barbarie, on définit mal ses sentiments.

Il retrouve les acteurs et veut reprendre la pièce, afin que vive Antigone, comme il l'a promis à Samuel.

Le 17 Septembre 1982, Georges découvre le massacre de Sabra et Chatila.

Chalandon s'arme d'une plume incicive, juste, percutante pour décrire une douleur qu'il veut partager avec ses lecteurs.
Antigone est morte à Sabra et Chatila. La pièce ne sera pas jouée, et Georges laissera sa vie au Liban.
 

A la Médiathèque José Cabanis de Toulouse, j'ai pu rencontrer Jorg Chalandon au cours d'une soirée de lecture, rare tant l'émotion avait gagné tout l'auditoire. Il nous a dévoilé ses souvenirs très forts de grand reporter de guerre, qui l'ont fortement marqué, et qui l'émouvaient encore lorsqu'il les évoquait.
Il nous dit qu'il a écrit ce "4ème Mur" pour oublier cette barbarie, comment il pourrait retrouver la paix, et ce qu'il allait devenir après ce cauchemar.

Sorj Chalandon est un auteur vrai, dont le récit nous "prend aux tripes" !

Le roman est passionnant. Il mérite qu'on le lise en prenant une pause à chaque chapitre, tant l'action est intense.

" On pleure sur Beyrouth
  On pleure sur le Liban "
   

Mais il faut toujours croire au rêve de Paix.    " I Have a dream" Martin Luther King - 28 Août 1963