Souvenirs de Sicile
Texte de M-Th. Goetschel
Septembre 2007
Palerme d'abord, Palerme la Phénicienne, disent les livres. Un grand port. Mais en première approche pour nous, Français débarquant d'avion en ce mois de septembre 2007, une ville méditerranéenne, à la végétation quasi africaine avec ses palmiers, ses jacarandas violets et ses palétuviers, sa circulation embouteillée et son soleil de plomb. L'été retrouvé après les maussaderies d'août de chez nous.
Vue de plus près, au fur et à mesure de nos déambulations dans les rues du centre dit historique, une ville qui me laisse la même impression qu'il y a quarante ans: assez sale, souvent délabrée
(nombre de quartiers ont gardé la trace des bombardements de 43), pittoresque et authentique avec ses marchés colorés, ses ruelles sans trottoirs, cachant des merveilles, en particulier dans ses églises ouvertes au visiteur et probablement derrière les façades de ses palais malheureusement peu visitables, aux balcons ouvragés et sculptés si reconnaissables à leurs rambardes de fer forgé, arrondies et renflées en "poitrines d'oies", sûrement fort superstitieuse avec sainte Rosalie et ses innombrables églises, chapelles et oratoires. Hors du centre historique, une ville plus banale, avec de grandes artères, aux multiples banques (où il nous sera pourtant difficile de retirer de l'argent),des magasins type international, de jolies places, quelques immeubles style art nouveau, les deux grands théâtres de la ville, des bâtiments mussoliniens comme l'imposante Poste et le Palais de Justice...
Palerme a non seulement sa Sainte protectrice, célébrée chaque année, mais aussi son Génie.
Personnage inconnu des grandes mythologies antiques, statue d'un soldat-roi plus ou moins antique, brandissant ou allaitant un serpent, maintes fois rencontrée dans la vlle et sous tous les formats: gigantesque dans le Jardin botanique, modeste comme celle de la Piazza della Rivoluzione. Pourquoi ce Génie??? Peut-être le symbole de l'improbable identité d'une ville qui aura connu successivement, comme un résumé ou un précipité de l'histoire de la Méditerranée (Voir monsieur Braudel), la domination des Phéniciens (après une population paléolithique, néolithique, après les Elymes, et autres Sicanes ou Sicules venus, eux, on ne sait trop d'où), des Romains, des Arabes, des Normands, des Souabes, des Français Angevins (pas de quoi en être fiers quand on vous raconte l'histoire des Vêpres siciliennes), des Espagnols Aragonais, des Habsbourg, des Bourbon, le soulèvement des Garibaldiens, les bombardements des Alliés, de la Mafia...
On aura eu du mal en trois jours à tout reconstituer ce puzzle. Notre cicerone, fort érudit, a bien essayé de nous dévoiler en plus les mystères de l'ésotérisme de la ville, mais je crains de ne pas avoir été assez attentive pour retrouver lesdits mystères! Et je n'avais pas encore de carnet pour prendre des notes à Palerme. Restent les souvenirs et les photos.
Notre hôtel: Villa Archirafi, via Lincoln. Mention spéciale pour notre petit restaurant du premier soir; Le Sant'Andrea (nous y sommes retournés), ses antipasti, ses pâtes, son vin (nero d'Avolo, je crois?) et ses premiers cannoli avec au sortir des ruelles, quelque peu coupe-gorges sombres, un débouché magique sur San Domenico (la plus grande église de Palerme ai-je lu quelque part), avec sa majestueuse façade baroque tout illuminée.
Puis sans doute en vrac, des images de nos déambulations.
Après le Jardin Botanique, tout près de notre hôtel, via Lincoln, bâtiment classique à l'entrée avec fronton et colonnes, très retour d'Egypte, énorme barque-char de Sainte Rosalie, des plus kitsch) et sans aller jusqu'à la mer (nous attendrons le troisième jour pour nous rendre compte que Palerme est un port, nous pénétrons dans la vieille ville: le Foro italico, je crois, qui était l'ancien quartier musulman. Les populations devfaient y être fort mélangées si l'on en croit les inscriptions des rues en arabe, italien, hébreu.
Santa Maria dello Spasimo: une église sans toit. Belle structure architecturale, toute en élancement gothique. Personne. Esplanade jardin qui était autrefois l'avancée du bastion espagnol du XVIème siècle.
Piazza Maggione (je ne m'en souviens pas bien sinon comme un lieu qui porte maintes traces des bombardements alliés et où il y aurait dans les rues alentour nombre de squats), église della Maggione avec son allée de palmiers et de lauriers roses,
son architecture arabo-normande, petite Piazza della revoluzione. Tout près un tableau mural gravé dans la pierre des équivalences des différentes unités de mesure. Marché de la Vucceria, haut en couleurs, de fruits, de légumes et d'épices. Fontaine monumentale de la Piazza Pretoria toute en marbre blanc, assez XVIème florentin. Statues de nus masculins et féminins s'observant; tritons, nymphes chevauchant des animaux marins, allégories des quatre fleuves, têtes d'animaux bizares, bassins circulaires
, rampes d'escalier. Un peu plus loin; la place des Quattro Canti, au croisement de la via Maqueda et du Corso Vittore Emanuele: façades concaves, baroques, de quatre palais ornementés de fontaines, de statues (des quatre saisons, de rois espagnols, de saintes).
La Martorana ou Santa Maria dell' Amiraglio avec ses trois coupoles arabes rouges: une partie primitive (le reste de l'église est très baroque) conserve de belles mosaïques byzantines du XIIème siècle. Notre guide nous a longuement commenté le couronement de Roger II par le Christ mais il y a aussi de belles scènes de la vie de la Vierge à la croisée du transept dont une Dormition et une Nativité.
La Cathédrale
avec à l'entrée une inscription en arabe du Coran (il faut dire que les Normands l'ont construite sur l'emplacement de la Grande Mosquée bâtie elle-même sur les vestiges d'une basilique chrétienne). A partir de là, je m'embrouille complètement pour situer toutes les églises que nous avons vues. Etait-ce le même jour? le lendemain? Où loger ces intérieurs d'églises baroques aux somptueuses incrustations de marbres et pierres colorés sur les devants d'autel, à la profusion d'enroulements et volutes sur les murs? les très beaux stucs de Serpotta? Etait-ce à la Chiesa del Gesù? A san Nicolo di Bari, à San Cataldo? Je me souviens pourtant bien de cette chapelle désaffectée des Carmélites qui a été ouverte pour nous, au delà de la cour d'un ancien cloître ou monastère en réfection pour être bientôt transformé en chambres d'hôtes, de ses autels à colonnes torses où s'enroulaient des guirlandes décoratives et où s'accrochaient des ribambelles de petits putti, oeuvres dudit Serpotta. Je me souviens d'églises attendant dans une profusion de décorations florales leur prochain mariage. Mais comment les nommer? Où les repérer sur le plan? Je me souviens encore, au hasard d'une porte ouverte, d'une charrette peinte, de la photo prise au pied d'un gigantesque banyan dans le Parc de la Liberté...
En définitive, cette Palerme telle qu'en elle-même mon souvenir la brouille, illustre peut-être assez bien, le kaleidoscope embrouillé dont parlent les livres!
(Nous n'avons pu voir ni les Eremiti ni le Palazzo fermés pour cause de restrauration).
MONTREALE
Nous lui avons consacré une demi journée. J'ai dû là encore être quelque peu distraite lorsque notre guide nous expliquait le parcours initiatique que supposent l'architecture et l'orientation vers la lumière de l'église. En revanche, les mosaïques du XIIème siècle, le colossal Christ Pancreator, la Vierge trônant dans le choeur et l'autre Vierge à l'enfant, plus familière, au-dessus de la porte de sortie sont toujours là, comme dans mon souvenir d'il y a quarante ans. Mais, infidélités de la mémoire ou manque d'attention à l'époque, j'ai découvert comme si je ne les avais jamais vus les admirables pavements, véritables tapis de pierres et de marbres colorés, aux motifs géométriques entrelacés, incrustés de petits triangles s'organisant en de savants labyrinthes,
et ces étroites bandes verticales, scintillantes de couleur et d'or sur le fond de marbre gris blanc, qui ryhment les murs du choeur. Que de richesses dans cette église! Que d'or! Que d'or! Je ne me souvenais plus bien non plus de l'admirable cloître aux fines colonnes jumelées, toutes différentes, incrustées de mosaïques, surmontées de châpiteaux historiés. Dans un angle, une fontaine qui évoque des jardins arabes.
Les livres disent que c'est là joyau de l'architecture arabo normande. Soit! Même sans leur prescription d'admiration, on est naturellement impressionné.












Çà gâche un peu le paysage! Dommage car le site est splendide, au dessus de la mer avec l'Etna à l'horizon. Un beau voilier blanc à je ne sais combien de mâts croisait dans le golfe.



maintenant quasiment à la troisième pointe de la Tricrinia. Notre hôtel est tout près du quai qui longe le port. Nous ferons une petite virée jusqu'à la pointe d'où l'on peut voir un château forteresse qui a dû servir de prison. De là, nous allons jusqu'au site antique de Tyndaris, la dernière des colonies grecques. L'endroit est surtout célèbre pour une grosse cathédrale de pèlerinage...que nous dédaignons pour le petit musée archéologique et le site de fouilles. j'aime bien ces petits musées locaux, à taille humaine, où l'on peut ensuite se souvenir de presque tout: deux Niké dans l'envol des draperies de leur tunique, une tête monumentale d'Auguste (?), une autre dite de Priam coiffée d'un bonnet phrygien...On découvre sur le site, face à la mer, un petit théâtre avec quelques restes de mur de scène alexandrin et des maisons à mosaïques près de thermes privés, l'entrée en arches d'une basilique romaine...Tout ça très, très intéressant et loin des foules touristique.
Nous ne nous attendions pas à autant de trésors. Je passe rapidement sur les céramiques qui remontent au néolithique, les bronzes etc pour en arriver à ce très grand vase-cratère noir à figures rouges représentant entre autres les travaux d'Héraklès, cela pour le premier musée. Dans le deuxième, reconstitution de nécropoles, salles d'amphores antiques, efficacement mises en scène en amoncellement comme dans le fond des bateaux qui les transportaient, riche collection de vases noirs à figures blanches (Héra entre Aphrodite et Eros) ou rouges (scènes dionysiaques, ménades etc), séries de vitrines exposant de petits masques de théâtre en terre cuite représentant des rôles de comédies d'Aristophane et de Ménandre: l'Hétaïre d'une beauté parfaite, l'homme barbu, le jeune Pan, le beau jeune homme, le jeune homme brun, le jeune homme sans scrupules, etc...
château avec vue plongeante sur le port.
ù, recommandée par notre guide palermitain.