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La Polynésie Française vue par

Christophe BERGAMELLI et Stéphanie

 

 

Jeux de Sociétés

1 sweet-mama-moorea-6-septembre-2011

Des nageoires pectorales hypertrophiées, une tête qui représente près d’un tiers de la longueur et des protubérances de la taille d’une balle de golf implantées de poils sensoriels sont les caractéristiques de ce Mysticète (baleine à fanons).

 

Septembre en Polynésie, c’est la saison des baleines. Depuis quelques semaines, « Yo ! » navigue de conserve (pardon de concert)  avec les mégaptères ou baleines à bosse.  Le long des côtes sous le vent de Tahiti, Moorea, Huahiné ou Tahaa, ces géants (15 mètres et 30 tonnes en moyenne) viennent s’ébattre, se séduire ou mettre bas avant de repartir pour l’été austral vers les eaux très riches de l’Antarctique.

La pauvreté des eaux tropicales les conduit à jeûner cinq mois durant, mais ils y trouvent des conditions climatiques peu coûteuses sur le plan énergétique et un environnement propice au bon déroulement de leurs amours (faut une sacrée imagination pour trouver comment s’y prendre).

Rivages abrités, eaux chaudes, météo clémente, isolement, rareté des prédateurs vont offrir à leurs ébats un meilleur taux de réussite et aux nouveaux nés les meilleures chances de survie.

Venant du grand sud, les baleines croisent d’abord dans l’archipel des Australes ou certains individus vont se fixer (Rurutu) alors que d’autres vagabondent plus au Nord. Les plus tardifs à repartir sont les mères et les jeunes baleineaux et on peut les apercevoir jusqu’au mois de novembre. Les femelles qui allaitent ont perdu 30% de leur poids mais les jeunes de 4 à 5 mois sont alors assez robustes pour entamer le périple de 6 000 km et supporter le passage d’une eau tropicale à celle de l’océan austral de quelques degrés Celsius.

La façon dont les baleines s’orientent n’est pas connue ; les hypothèses, de la présence de magnétite dans le cerveau permettant d’identifier les champs magnétiques au balisage vocal effectué par le chant des grands mâles, sont nombreuses mais insatisfaisantes.

La présence de ces animaux dans les eaux polynésiennes est relativement récente, inférieure à 200 ans. En effet, contrairement aux tortues, raies, requins qui foisonnent, aucune trace de baleines dans les mythes, pas d’objets artisanaux à leur effigie. Cette absence est-elle l’expression de la frustration des populations locales à capturer ces « monstres », ou plutôt témoigne-t-elle de leur rareté dans les eaux polynésiennes alors que ceux-ci étaient traditionnellement abondants aux Tonga, 2500km plus à l’Ouest ?

Cette dernière hypothèse est validée par les récits des chasseurs baleiniers occidentaux qui à partir du 19ème  siècle sillonnent, prospectent, exploitent sans relâche pratiquement jusqu’à extinction la moindre parcelle du Pacifique (150 000 spécimens en 1800, 12 000 au mieux de nos jours). A cette époque, Tahiti est utilisé comme base en raison de ses avantages logistiques et de sa vie plaisante et non comme terrain de chasse.  Les causes qui ont poussé cette population à élire les eaux de la Polynésie Française comme nouvelle zone de reproduction sont encore inconnues.

 

Migrations humaines

 2 Tahiti musée 1

L’Océanie – Le « Continent Invisible » et le Triangle Polynésien.

Les raisons qui ont conduit des populations « Lapita » à migrer d’île en île dans d’audacieux voyages nautiques d’exploration et de colonisation pour en faire le peuple le plus dispersé de la terre font l’objet d’hypothèses invérifiables. Malgré son morcellement extrême, le « Continent Invisible » qui s’étale sur des millions de km² d’océan présente une  homogénéité ethnique, des systèmes d’organisation de sociétés proches, une unité de langue et des similarités d’exposition à l’histoire récente en dépit des traitements différenciés de décolonisation.

Par convention, le « Continent Invisible » est divisé en 3 blocs :

  • La Micronésie : des îles Mariannes aux îles Gilbert principalement situées au Nord de l’Equateur,
  • La Mélanésie qui englobe la Nouvelle Guinée, les îles Salomon, le Vanuatu, la Nouvelle Calédonie et les îles Fidji,
  • La Polynésie qui regroupe l’identité Maori, des Îles Hawaï à la Nouvelle Zélande, de l’Île de Pâques au Royaume de Tonga avec Tahiti au centre du triangle.

Un peuplement aussi minutieux de la plus petite parcelle (manière de résorber les excédents démographiques) témoigne d’un art nautique, d’une connaissance du ciel et de la mer et d’une passion pour les voyages inouïs pour les premiers navigateurs Européens habitués à passer d’un continent à l’autre et qui pénètrent dans l’océan Pacifique à la recherche du Continent Austral.

Ces qualités se sont  perdues progressivement aux confins du triangle : en Nouvelle Zélande où l’existence d’une grande terre abondante rendait négligeable la science de la navigation –l’expertise actuelle des Kiwis est à rattacher aux performances de la Navy – et à l’île de Pâques alors que les grands arbres étaient abattus pour l’édification des statues de pierre de plus en plus hautes (que les voisins jaloux s’empressaient de renverser) jusqu’à ne plus savoir construire de pirogue. Elles restent significatives à Tahiti où le plus grand évènement sportif est la Hawaiki Nui Va’a qui regroupe une centaine de pirogues à balanciers par équipage de six pour 3 jours de course entre Huahiné, Raiatea, Tahaa et Bora Bora.

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Tag à Papeete – Des Tikis de Polynési et d’Hawaï au Moai de Rapanui.

 

4 Marae

 

Migrations interinsulaires du Pacifique  (Centre Polynésien des Sciences Humaines Te anavaharau)

Avant l’arrivée des Européens, les deux concepts clés de la vie religieuse et politique Polynésienne sont MANA et TAPU. Le Mana est le pouvoir sacré que possède le dieu et grâce auquel il est capable d’agir. Par extension il peut être transmis aux hommes. Ainsi un chef puissant dispose d’un grand Mana. Il peut également le perdre et ainsi justifier les défaites.

Tapu est ce qui a donné Tabou en français. Quelque chose de tapu pouvait être sacré ou avoir été l’objet d’une malédiction, voire un opprobre royal. Ce concept était, entre autre, utilisé comme moyen de contrôle social pour confiner à l’isolement certains sujets. Aujourd’hui, il est employé dans la vie courante au sens d’interdit. Ainsi une pancarte sur un motu à Huahiné indique : « Tapu 10h à 14h », période durant laquelle des touristes sont emmenés déjeuner sur l’île, elle doit leur être laissée !

Malgré 200 ans d’évangélisation féroce, la superstition continue à imprégner tous les aspects de la vie courante. Les récits de malédiction encourue par les ouvriers sur un chantier en raison d’un déplacement de Tiki sont courants.

Le Marae Arahurahu sur Tahiti : à la fois, lieu de culte des ancêtres et des divinités et centre des réseaux politiques.  Celui-ci a été édifié entre le XVème et le XVIIIème siècle. Le château de Chenonceau a été construit en 1513, on note certaines similarités architecturales ! 

 

La découverte de Tahiti par Bougainville en 1760 avec ses ressources naturelles abondantes et ses habitants apparemment hospitaliers et pacifiques (une fois que l’usage des canons eut établi la nouvelle échelle de pouvoir)  à une époque où la philosophie politique s’intéresse beaucoup aux spéculations de « l’état de Nature » va pendant de longs siècles entretenir l’imagination romantique d’une terre de Paradis.

Tous les navigateurs ne seront pas aussi magnanimes que le Captain Cook venu une première fois à Tahiti pour observer le passage de Vénus et contribuer à l’amélioration du calcul de la longitude chère aux marins. (A bord, comme Marilou, nous sommes tous « fan du Captain Cook, on a sur lui tout un pressbook et aussi de Tarzan » euh, non pas Tarzan…). Au contraire, à sa suite il entraine négociants querelleurs, affamés de nourriture et de plaisir, conscrits et mutinés dont les plus célèbres sont ceux du Bounty, beachcombers – rodeurs de grève, souvent des naufragés-  et enfin missionnaires.

Ils vont tous venir : Catholiques, Protestants, Adventistes, Pentecôtistes, Mormons… Ils vont s’implanter plus ou moins laborieusement une fois la suspicion initiale envers leur motivation surmontée, c’est-à-dire leur stratégie de conquête des âmes considérée comme négligeable.

Utilisés à des fins politiques par les monarques (Pomare II), ils obtiennent en échange la conversion des peuples. Parallèlement, ils vont également être le recours d’une population perturbée par la force des changements auxquels elle est exposée suite aux nouveaux flux commerciaux et migratoires en insistant sur l’éducation (traduction des bibles et apprentissage de la lecture).

Les missionnaires prodiguent également des soins grâce à une nouvelle médecine, c’est bien la moindre des choses, les maladies infectieuses ont réduit à peau de chagrin une population estimée à plusieurs centaines de milliers d’habitants à l’époque du premier contact [Tahiti 1767 65 000 ; 1797 16 000 ; 1830 9 000 ; la population ne repassera la barre des 10 000 habitants qu’à l’aube du 20ème siècle pour s’établir actuellement à 183 000 habitants – deux polynésiens sur trois).

Ces actions s’accompagnent bien entendu de prêche et d’imposition de conduite morale allant jusqu’à la rédaction de codes de lois écrits ; de bien sympathiques tentatives d’imposer des modèles de théocratie intolérante !

Les jeux de religion n’empêcheront pas Tahiti de devenir une possession Française en 1842, la France (souhaitant se refaire une santé après les défaites Napoléoniennes)  s’appuyant sur l’Eglise Catholique impatiente de rentrer en compétition avec les Protestants déjà bien implantés.

Négligé par les Anglais aux prises avec leur sale guerre en Nouvelle Zélande, le roi Pomare V n’a d’autre choix que de céder en 1880 à la France la souveraineté sur toutes les îles dépendantes de la couronne de Tahiti. Ces possessions forment avec les autres archipels (dont la théocratie Catholique des Gambiers annexée en 1881), les « Etablissements  Français d’Océanie ».

 

Plaque commémorative de l’arrivée du Duff, bateau de la London Missionary Society sur un monument situé à côté du phare de la pointe Vénus.

 

 

Au 19eme siècle, la position des puissances Européennes vis-à-vis des territoires du Pacifique, alors qu’elles se sont partagées le reste du monde en empires coloniaux est ambiguë. Elles préfèrent maintenir la semi-fiction qui consiste à reconnaitre ces territoires comme des Etats indépendants sans leur accorder des statuts égaux aux leurs. Elles voulaient surtout ne pas laisser d’autres nations obtenir des avantages politiques, économiques ou stratégiques même dans des endroits où les enjeux étaient minces car imparfaitement identifiés.

Dans les décennies qui suivent, les différences de traitement s’accroissent en fonction de l’attirance que la terre allait exercer sur les colons, la présence de ressources y compris humaines à exploiter, et surtout la manière dont les puissances allaient définir leur responsabilité vis-à-vis des peuples qui leur étaient soumis.

D’une population polynésienne/maori initialement homogène vont découler au moins six systèmes :

Hawaï (modèle Américain) : les Maoris sont parqués dans des réserves, acculturation forcée, deviennent une minorité, le groupe d’île est un état comme un autre, multi ethnique, 40% asiatiques, 25% européens, 25% métis, 10% maoris.

Tonga (modèle  local): le Royaume s’est extrêmement bien débrouillé pour garder son indépendance, s’appuyant sur les rivalités entre grandes puissances (France-Grande Bretagne puis Allemagne). Un petit pays libre…  jamais colonisés, ce sont les seuls pacifiques à n’avoir pas de passeport pour un pays développé, du coup très peu de rémittences.

Ile de Pâque (modèle local) : la culture des Moais à grande échelle conduit à ravager le substrat terrestre, famine, autodestruction.

Pour les Anglais, il est juridiquement admis très tôt que les autochtones ont un droit fondamental à un traitement juste et à la jouissance des ressources qu’ils possèdent ; mais l’homme propose, l’histoire dispose, il en résulte deux modèles qui illustrent bien la différence entre la théorie et la pratique :

Nouvelle Zélande (modèle Anglais #1) : une bonne partie des Maoris s’étant auto-éliminés grâce aux armes à feu mises à leur disposition durant la première moitié du siècle, la couronne Anglaise (quoique de prime abord réticente), se lance dans la colonisation de peuplement à grande échelle durant la période 1840-1850 conduisant aux guerres Maoris de 1860 à 1872 et à la confiscation de nombre de terres ; l’établissement du système mixte actuel conduit à une représentation ethnique maori de 15% de la population.

Cook et Fidji/Samoa etc (modèle Anglais #2) : quoiqu’ethniquement Mélanésiens Fidji/Samoa ont des structures culturelles, linguistiques, religieuses très polynésiennes. Développement de structures locales de gouvernement sous la bienveillante supervision de la Couronne (les Kiwis en étaient l’avant-poste), Fidji hébergea par exemple la première université du Pacifique mais vit sa population diluée de moitié par l’immigration massive de main d’œuvre indienne qui représente de nos jours 45% de la population…  entrée de plein pied dans un monde globalisé.

Polynésie Française (modèle Français): pour les Français, il fut suffisant de mettre en place un régime autoritaire destiné à n’assurer que les fonctions administratives essentielles et collecter les impôts, ce qui conduisit à négliger la Polynésie, nous allons en mesurer quelques conséquences ci-après (le traitement de la Nouvelle Calédonie qui dispose de ressources minières importantes fut différent). Répartition ethnique: 68% polynésiens, 12% européens, 15% métis, 5% asiatiques.

 

 

La Polynésie Française  de nos jours

(Gambier/Australes non explorées)

Pour la « Yo Team » côté cœur, c’est simple :

Un bassin de croisière magnifique, des eaux riches sur les Marquises/Tuamotu, une météo clémente au moins six mois par an (hors période cyclonique), des mouillages peu fréquentés et généralement bien abrités: une fois planqué dans le lagon, ça baigne.

La sécurité des biens et des personnes est assurée, les infrastructures (admin, transport, médical) sont de bon niveau, l’approvisionnement est correct, bref, on ne se croirait pas en plein milieu du Pacifique.

Les « voileux » ne s’y trompent pas qui restent  souvent jusqu’au maximum de durée autorisée.

Les « locaux » ne s’y trompent pas non plus, tranquilles, souriants, attentionnés, vivant bien, parfois modestement, et, pour la plupart, n’envisagent pas de s’installer ailleurs.

On reviendra !

Motu Murimahora à Huahiné. Le paradis !

 

 

Pour la « Yo Team » côté raison, ce n’est pas brillant :

(pour simplifier les Francs CFP ont été convertis en €uros sur la base de 120FCFP/€)

Dans le processus de décolonisation du Pacifique entrepris après la seconde guerre mondiale, la position de la France est originale. Elle n’a jamais considéré ses îles comme des colonies mais comme des Territoires d’outre-mer qui peuvent faire l’objet de réformes : les indigènes obtiennent la nationalité Française et sont représentés à l’Assemblée Nationale, mais la question de l’indépendance n’est pas négociable. Cette position est encore plus marquée après le référendum de 1958 mené par le Général de Gaulle, où est votée avec une majorité confortable l’association avec la France. Le mouvement indépendantiste a alors du mal à trouver sa légitimité. Cela ne l’empêchera pas jusqu’en 2013 de constituer une minorité de blocage systématique empêchant une gouvernance sérieuse, déjà entachée de corruption.

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Le Port de Papeete. Il y a 43 aéroports répartis sur le territoire, sensés gérer la discontinuité territoriale et sociale, mais souvent synonyme d’abus.  

 

Les Etablissements Français d’Océanie prennent le nom de Polynésie Française en 1957. Le statut d’autonomie interne attribué en 1984 est élargi une première fois en 1996, année d’arrêts des essais nucléaires, puis en 2004 : « les autorités de la Polynésie Française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l’Etat ». Ce dernier exerce donc des compétences recentrées sur ses missions régaliennes : défense, relations extérieures, contrôle de l’immigration, monnaie. Le Haut-Commissaire de la République est le délégué du gouvernement de la République Française.

La période 2004-2013 est caractérisée par une grande instabilité politique (11 gouvernements successifs) qui, couplée au retrait programmé des subsides post CEP explique en grande partie  la détérioration du bilan économique (pour la petite histoire: versement d’indemnités estimé à 2.5 millions d’€uros à chaque changement d’équipe), l’absence de stratégie de développement territorial et d’esprit d’entreprise individuel que l’on constate aujourd’hui.

La dernière modification du processus électoral est entrée en vigueur en mai 2013. C’est le parti de Gaston Flosse qui l’a remporté  « parce qu’avec lui c’est moins pire » contre celui d’Oscar Temaru leader du courant indépendantiste. Co-fondateur du RPR, Gaston est donc redevenu Président pour la cinquième fois depuis 1984 mais vient tout juste d’être démis de ses fonctions en raison d’une condamnation pour emplois fictifs…  il n’y eut pas de grâce Présidentielle cette fois-ci.

En cessation de paiement en 2009, la Polynésie Française a, pour objectif un retour à l’équilibre des comptes devant permettre d’accroitre l’endettement afin de financer son développement (mmmh ?) : en fait, il est déjà un peu tard car l’endettement s’est déjà envolé  en 10 ans : + 60% entre 2000 et 2009 passant de  3 à 12 ans nécessaires au remboursement de la dette (il est vrai que les préteurs considèrent probablement que la garantie de la France jouera).

Cette situation, couplée au niveau de l’indice de mesures des inégalités de revenus des ménages (indice de Gini) proche de celui de certains Etats d’Amérique du Sud, fait écrire à la presse locale que la Polynésie Française est un Pays « en voie de sous-développement ».

 

Tout visiteur en Polynésie est surpris par les prix, la lente complainte « tout est si cher ici ».

Suite à une enquête menée en 2010, il ressort qu’en moyenne les prix sont 26% plus élevés qu’en métropole ; cet écart peut aller jusqu’à 75% pour les produits alimentaires, les dépenses d’alimentation représentent ainsi 25% du budget d’un ménage contre 15% en métropole.

A chaque fois, nous obtenons la même réponse : c’est la faute du CEP (Centre d’Essais du Pacifique) qui a introduit des salaires surévalués entrainant une forte inflation et dont le désengagement a nécessité la mise en place de PPN (Produits de Première Nécessité).

Mais dans la réalité vraie, il ne faut pas oublier  que les prix reflètent également la structure fiscale et ici ce n’est pas comme en métropole: les ressources fiscales sont à 71% d’origine indirecte (TVA 13%, taxe sur les importations 30% sans oublier les vins et spiritueux à 250%…), il n’y a pas d’impôt sur le revenu, les salaires ne sont pas soumis à cotisations salariales, bref… si on regarde quelques chiffres :

€uros Polynésie Française Métropole
Mensuel Moyen Brut 2583 2830
Mensuel Moyen Net 2325 (estim / pas d’IR). 2128 (soumis à IR)

En première approximation (et même en seconde)  mieux vaut être au salaire moyen en Polynésie Française qu’en métropole, d’autant que les frais de chauffage sont réduits…… intéressant.

Le PIB (Produit Intérieur Brut) par habitant est de 17 500 €uros (2009). Il représente 64 % du PIB par habitant métropolitain et avoisine celui de la Réunion ou de la Guyane. Il est nettement en deçà de celui de Nouvelle Calédonie, cette dernière disposant du niveau de richesse produite par habitant le plus élevé d’outre-mer.

Les versements nets publics de l’Etat, la perfusion de survie, représentent 24% de ce même PIB (ils en représentaient plus de 50% pendant la période des essais nucléaires), un montant d’1.1 milliard d’€uros. [cela représente 2 jours de revenus disponible (net de charges sociales, impôts, loyer, chauffage, alimentation) par actif métropolitain : en bref, il faut se lever le 2 et le 3 janvier lorsqu’il fait froid, qu’il fait nuit, qu’il pleut et prendre le métro pour aller taffer… afin de soutenir la Polynésie Française]

 

 

 

Pour accompagner la réduction anticipée des transferts financiers provenant de la métropole (réduction planifiée des subsides post-CEP) et renforcer son autonomie économique, la Polynésie Française a privilégié le développement de filières de substitution par la valorisation des avantages naturels (ressources halieutiques, tourisme, perle, coprah, vanille, noni,…).

Toutes ces filières sont en crise sans que la crise de 2008 soit la seule explication. Le manque d’encouragement à l’investissement et à l’initiative individuelle, la mise en place de barrières protectionnistes visant à se protéger de la concurrence, doublées de fortes taxes sont également responsables :

  • la culture du coprah (amande séchée de la noix de coco dont on extrait l’huile, et qui parfumée aux Tiaré, donne le monoï) s’exerce sur les 2/3 de la surface cultivée, la totalité de la production de coprah est acheté par l’Huilerie de Tahiti à un prix fixé par le gouvernement ( 1100€/tonne) lequel compense l’Huilerie de Tahiti pour la différence avec le cours international (460€/tonne), production annuelle 10 000 tonnes, les cocotiers de Polynésie Française sont subventionnés à hauteur de 7 millions d’€uros.
  • Les technologies d’aquaculture, développées avec l’IFREMER sont opérationnelles, implantées depuis fort longtemps en Nouvelle Calédonie, mais localement permettent de produire quelques tonnes par an… quelle prouesse ; heureusement, « le projet d’implantation par des investisseurs chinois d’une unité de production aquacole aux Tuamotu pourrait transformer profondément la filière, avec à terme, l’objectif d’exporter 50 000 tonnes de poissons d’élevage » è un seul atoll converti en ferme aquacole suffit à remplir la totalité des besoins protéiques polynésiens mais laissons cela aux « Chinois ».
  • 5 millions de km2 d’océan sous contrôle direct, la pêche ne parvient à générer que 16 000 tonnes par an, le modèle local est tel que cela revient moins cher d’acheter du poulet surgelé que du thon frais. Etrange. On a du mal à comprendre la logique que l’on trouve à exporter du poisson sur les Etats-Unis et en importer du bœuf ou du poulet…

 

Poissons perroquet pêchés de nuit au lamparo dans le lagon de Huahiné. Ce sont des brouteurs de corail. Leur taille n’excède pas 25 cm. Il ne reste rien d’autre. Les tortues, mérous, loches ont tous été mangés.

  • Fruits & légumes : Production locale 14 000 tonnes/an – Importation 10 000 tonnes/an, pourtant nombre d’îles sont verdoyantes…
  • L’importation annuelle de viande représente 25 000 tonnes (à mettre en regard d’une production locale de l’ordre de 1 000 tonnes) ; la mystique locale attribue la consommation de viande aux touristes et européens, soit à tout casser 25 000 personnes qui consommeraient chacune la modeste quantité de 1 tonne par an, 2.5kg par jour, autant pour la mystique locale.
  • « L’énergie éolienne expérimentée aux Australes et aux Tuamotu s’est révélée peu probante, en raison de la faiblesse relative des vents et des risques cycloniques »… c’est bien connu, les alizés sont si irréguliers…
  • Le tourisme…. une photo suffira:

8 Bora Hilton

Les 9000 habitants de l’île sont tous employés dans l’activité touristique. Du Sofitel au Four Seasons, toutes les chaines sont représentées. Le taux de remplissage moyen atteint tout juste 60%. Tous les projets sont montés en utilisant le principe de crédit d’impôt de défiscalisation, entre 35 et 65% de l’investissement soit une perte cumulée de recettes fiscales de 1 milliard d’€uros à ce jour, joli cadeau que l’on fit là aux grande chaînes hôtelières

En conséquence, le taux de chômage avoisine les 25% (10% en métropole). Le secteur tertiaire réalise 85% de la valeur ajoutée totale en 2009, dont plus d’un tiers est produite par les services non marchands (administration, éducation, santé, action sociale).

Pour autant, sous le contrôle direct du gouvernement local jusqu’au baccalauréat, la gestion du système d’éducation est peu performante: le taux de réussite au bac est de 90% mais seuls 33% d’une génération sont bacheliers (65% en métropole), l’âge moyen d’obtention du bac est aux alentours de 20 ans.

En dépit du taux de réussite fièrement affiché, la situation de l’enseignement secondaire traduit un profond désintérêt pour l’avenir des générations futures. Le manque d’accompagnement des élèves internes en raison de l’éloignement conduit de nombreux élèves à arrêter l’école dès 16 ans, désœuvrés, le cercle vicieux est enclenché… tristes tropiques.

Instauré en 1995 à la veille du retrait du CEP, le système de santé couvre aujourd’hui 99% de la population. Il est menacé par des facteurs structurels (vieillissement de la population) et conjoncturels (diminution du nombre de cotisants avec la crise économique).  Un polynésien sur huit est en longue maladie (hypertension/diabète, ces pathologies du 21èmesiècle) mais à peine un tiers des communes servent de l’eau potable à leurs usagers… cherchez l’erreur.

Jusqu’en 2008, l’Etat Français contribuait au financement de la PSG (Protection Sociale Généralisée) et a subordonné ses participations ultérieures à la mise en œuvre de réformes conséquentes. On notera cependant que le niveau unitaire (par habitant) de déficit du régime est similaire à celui de la métropole, tout comme le niveau de performance, conduisant à une espérance de vie parmi les plus élevées du Pacifique.

Passe de Rautoanui à Raiatea par forte houle de Sud.

 

 

Vision hélicoptère

Pour l’Etat Français

  • un enjeu majeur, le contrôle de la Zone d’Exclusivité Economique, les 5 millions de km2 qui permettent à la France d’être le second pays au monde (après les Etats Unis) en terme de façade maritime.
  • une envie débordante de minimiser les coûts associés au maintien, en l’état, de la Polynésie Française.

Pour Bruxelles

  • un avant-poste Pacifique supportant les projections diplomatiques potentielles aux marges de la Mer de Chine et un support à la « zone €uro ».
  • l’irritation grandissante au vu de l’incapacité Française à maîtriser son déficit.

Pour les métropolitains

  • le rêve, la plage, les cocotiers, au moins virtuels.
  • 1 milliard d’€uro par an, ça fait quand même beaucoup, souvenons-nous du Lundi de Pentecôte…

Pour les Popas (ce drôle de nom que les polynésiens donnent aux européens, on suppose sur la suggestion malicieuse des Anglais faisant référence aux Papistes i.e. les Catholiques, assimilés aux Français….), pour les Popas donc, que rien ne change, l’aventure est au coin de la rue, aseptisée, tous frais payés.

Pour les Demis (métis, souvent issus de mariages croisés entre colons et noblesse polynésienne afin de sécuriser avantages et pouvoirs), ils semblent tenir une bonne partie des structures administratives, gouvernementales, etc..  et, parlant les deux langues, connaissant les deux systèmes,  agissent en intermédiaires entre Paris et les locaux, servant leurs propres intérêts.

Pour les Tinto (Asiatiques principalement chinois) : tenant d’ores et déjà une bonne partie du commerce, un assouplissement de la règlementation (i.e. dérégulation) permettrait d’augmenter le business et d’asseoir les investissements. Pékin n’est jamais très loin.

Pour les Polynésiens (les 68% de la population vivant plutôt dans les vallées, dans les îles reculées, un peu les parents pauvres dont tout un chacun se réclame, ceux qui, entre deux séries Américaines rêvent aux temps anciens de la gloire Maori), l’enjeu se pose en terme de métissage, de sauvegarde d’identité culturelle, de bascule dans un monde de productivisme, d’aliénation au versement de subsides permanent. Hormis les aboiements d’un Temaru charismatique, la réflexion n’est pas encore très avancée en la matière. La notion même de peuple Polynésien n’est guère prégnante, certainement pas transfrontalière (hors de question de partager avec un habitant des Tonga ou des Cooks). Il n’est que de voir la manière dont la pratique du langage s’étiole de générations en générations. On estime que d’ici 2100 auront disparu les langues parlées par moins d’un million de personnes (sauf support particulier genre Islande) ;  restreints à la Polynésie Française, les polynésiens en représentent à peine 200 000, en réseau avec les Maoris du Kiwiland, les Tonga, les Hawaïens, etc la taille critique peut être atteinte, encore faut-il s’en donner la peine.

On vous laisse imaginer les visions stratégiques des US, de la Chine, des Kiwis et des autres…..

Avec nos meilleures pensées, Santé et Sobriété,

Stéphanie / Christophe

Bora Bora – Polynésie Française

30 septembre 2014

www.yodyssey.com

 

Photos baleine : www.baleinomane.com, observations de baleine en Polynésie

TOHORA, baleines en Polynésie. Editions Téthys

I.C. Campbell – J.P Latouche. Les insulaires du Pacifique

Rapport annuel 2013 – IEOM (Institut d’Emission d’Outre-Mer)

 

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Dernier reportage: We Did it Niue  posté le 30 octobre 2014